Le livre numérique, qu’est-ce que c’est ? Qui écrie et publie des livres numériques ? Quelles sont les caractéristiques importantes à savoir sur le livre numérique et son industrie ? Je vous réponds dans cet article que j’ai voulu aussi complet que possible sur ce sujet novateur, et cet objet qui révolutionne l’industrie de l’édition !
Une histoire abrégée du livre numérique
Vous allez le voir, l’histoire du livre numérique est en fait une histoire de l’internet, cet outil merveilleux que vous et moi utilisons tous les jours, et qui pourtant n’existait pas il y a de cela 35 ans !
1971 : le projet Gutenberg
Michael Hart est parfois reconnu comme l’inventeur du livre numérique.
Enthousiasmé par la capacité de stockage de données des ordinateurs, il cherchait à rendre la littérature plus accessible. Pour prouver que c’était possible, il envoya la déclaration d’indépendance des États-Unis à tout le réseau informatique (ou plutôt son ancêtre, Arpanet) de l’université de l’Illinois dans laquelle il étudiait.
Le projet, intitulé Projet Gutenberg en l’hommage à l’inventeur de l’imprimerie, n’a cessé de s’enrichir depuis, en numérisant les ouvrages des bibliothèques, puis en se diversifiant, notamment avec des livres dans d’autres langues que l’anglais.
1990 : le « World Wide Web »
Tim Berners Lee, membre du CERN, est le principal inventeur de la « toile » avec Robert Cailliau.
L’apparition du web marque celles des adresses URL, des protocoles HTTP et du langage html.
Tim Berners Lee obtient l’accord du CERN en 1993 pour que son invention soit transférée au domaine public, et donc que tout le monde puisse en profiter.
1997 : Gallica
Vous la connaissez peut-être, c’est la Bibliothèque nationale de France qui propose cette grande dématérialisation de son fonds, avec près de 3 000 ouvrages du xixe siècle.
Aujourd’hui, c’est plus de dix millions de documents multimédias qui sont disponibles juste ici : https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/content/accueil-fr?mode=desktop.
Années 2000 : un faux départ
S’il y a eu quelques tentatives pour vendre des livres au format PDF (le Rocket eBook de Nuvomedia, en 1998 ; 00h00, maison d’édition de livres numériques en 1998 ; Numilog, première librairie numérique francophone, en 2000), ces premiers soubresauts s’évanouissent presque aussitôt, faute d’un réel marché.
2005 : le format ePub
L’International Digital Publishing Forum (IDPF) est un consortium rassemblant différents acteurs de l’industrie numérique (fabricants d’application, libraires, éditeurs…). Leur objectif était de trouver le meilleur format ouvert pour les livres numériques. Leur réflexion aboutira au maintenant incontournable format ePub.
Le format est pensé pour s’adapter aux outils du web. Ainsi, un ePub est le fichier compressé (.zip) d’un document pouvant inclure les formats html (le langage informatique utilisé pour les éléments de texte), xml, CSS, SVG ou JavaScript.
Années 2010 : Amazon s’impose, et s’expose
C’est à partir de la troisième génération que la Kindle, liseuse développée par Amazon, devient la référence, en mettant en place un vrai écosystème. Très vite, quelques concurrents apparaissent, comme Kobo (la Fnac), Nook, ou Google Play Livres (mais celui-ci vend peu de livres).
Aujourd’hui – 2023
Selon le baromètre annuel des usages du livre numérique (
https://www.sne.fr/numerique-2/barometre-sur-les-usages-du-livre-numerique/#:~:text=Sur%20l’ensemble%20de%20la,
en%20plus%20le%20lectorat%20masculin), « Sur l’ensemble de la population, 25 % des Français de 15 ans et plus ont déjà lu un livre numérique, 15% d’entre eux ont déjà écouté un livre audio physique et 12% un livre audio numérique ». Toutefois, le marché français de l’ebook ne représente que 7 % de l’industrie du livre, alors que cela représente plus de 20 % du marché aux États-Unis.
Le livre numérique n’a pas remplacé le livre papier, et les deux marchés cohabitent sereinement.
Tout le monde se met au numérique… ou pas
La culture de la gratuité présente sur Internet a encore de beaux jours devant elle.
En effet (et c’est même une réalité très française), cette quête systématique du moindre coût dès que l’on parle de contenus en ligne ou digitaux est un vrai obstacle au développement du livre numérique. Alors, mauvaise volonté ou manque d’information ? Il y a probablement des deux, mais, lorsqu’on sait que dans beaucoup de têtes, l’édition d’un livre papier se résume à l’impression, on peut facilement comprendre la réticence à payer plus qu’un euro symbolique pour un livre numérique…
Pour en savoir plus sur la chaîne du livre, n’hésitez pas à lire mon précédent article :
Je pense malgré tout que ces dernières années ont amorcé une remise en cause de cet état de fait, notamment avec des créateur·trices de contenu dont la légitimité n’est plus automatiquement disqualifiée et qui souhaitent vivre de leur métier.
Et côté édition, on en pense quoi ?
Si de plus en plus de maisons d’édition ont une partie de leur catalogue sous forme numérique, beaucoup sont réticentes à sauter le pas. Les plateformes de lecture de livres numériques sont certainement la principale cause de cette hésitation. Ces plateformes sont adaptées aux lois des contenus digitaux : on recherche l’interactivité, l’ergonomie et la capacité qu’a un support à s’adapter dans le sens des personnes qui l’utilisent. Plus concrètement, les petites mains responsables du travail éditorial pointu effectué sur un livre grincent des dents lorsqu’elles voient le lectorat bouger la mise en page dans tous les sens, changer la police, etc.
Par ailleurs, tous les secteurs éditoriaux sont loin d’être logés à la même enseigne ! Par exemple, les ouvrages scolaires et universitaires sont très représentés, à l’inverse des livres d’art ; de même, en littérature généraliste – le secteur majoritaire – tous les genres littéraires n’ont pas autant la cote. Ainsi, dans le monde du livre numérique, la littérature « blanche* » peine à rivaliser avec la romance, le polar ou la fantasy (ces dernières impliquent souvent des textes plus courts).
Le livre numérique a-t-il tant de mal à faire l’unanimité ?
Pour nuancer vis-à -vis des propos précédents, pour d’autres, le numérique ouvre un champ des possibles sans limites !
En tête d’affiche : les auteurs et les autrices.
En effet, plusieurs ont choisi de prendre très vite le train du numérique. Des sites comme celui de François Bon dès les années 2000 !(https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2660) en passant par les blogs, pour arriver jusqu’aux réseaux sociaux et aux plateformes d’écriture sociales, l’aspect démocratique (un peu idéalisé) d’Internet a tout de suite fait des adeptes.
Les livres numériques ont bénéficié de cet élan des cerveaux de la création, et une foule d’expérimentations en tout genre ont vu le jour !
L’accessibilité, une grande force du numérique
Pour en finir avec ce « pour ou contre » un peu particulier, je dois à tout prix parler de l’accessibilité. L’accessibilité, c’est quoi ? C’est tout simplement le fait de travailler à l’inclusion des personnes présentant un handicap par des moyens techniques ou des choix éditoriaux.
Par exemple, le format EPUB 3 permet, entre autres, de changer les couleurs de texte et de fond, ainsi qu’un affichage du texte en gros caractères ou en synthèse vocale (norme DAISY).
C’est un sujet très pris au sérieux en édition numérique : une directive européenne rendra d’ailleurs obligatoire à partir de 2025 la production de livres numériques accessibles aux lecteurices ayant un handicap.
La BD numérique dans tous ses états
Ce phénomène du livre numérique atteint aussi le monde de la bande dessinée. Pour vous donner quelques exemples, qui sont très diversifiés comme vous pourrez le voir, et tous très intéressants. Le numérique propose des possibilités infinies qui sont particulièrement explorées par les auteurs et illustrateurs de BD.
*la littérature blanche se réfère à une littérature classique et s’oppose à la littérature noire et « de genre ». C’est un terme qui souligne un élitisme éditorial et qui prend sa source dans les couvertures très sobres et épurées des ouvrages s’en revendiquant. La meilleure illustration étant la célèbre collection « Blanche » de Gallimard.
Balak et son « Turbo Média »
La webtoon mania
Boulet au quotidien
La « bande défilée » de Marietta Ren
L’enquête où il faut avoir l’œil !
Été, quand la BD s’invite sur Insta
7 choses à savoir sur le livre numérique :
Pour finir, je vous ai concocté un petit top 7 des informations insolites, ou plutôt méconnues, sur le livre numérique.
- Les DRM – Digital Rights Management
Dès les années 2000, des livres sont piratés. Au début, cela concerne surtout les publications universitaires puis les mangas, mais la tendance ne fait que s’accélérer.
Paniquées, les maisons d’édition ripostent avec le DRM (qui a été un échec en musique). C’est un outil de cryptage qui ne rend l’accès au livre possible qu’en s’identifiant.
Bilan : en plus d’être peu efficaces, les DRM rendent parfois plus difficile l’accès au livre… - Les métadonnées
Il s’agit des données relatives au livre qui ne font pas partie du livre lui-même :
titre, auteurice, éditeurice, EAN (équivalent de l’ISBN) date de publication, etc.
Elles sont indispensables ! Elles sont comprises dans le fichier du livre numérique, et permettent donc de l’identifier correctement. - Le PNB
« Prêt numérique en bibliothèque » (et non Produit National Brut comme vous l’avez peut-être appris en cours de géographie). Né en 2014 après une concertation de l’ensemble de l’interprofession du livre, le PNB a pour objectif de fournir un prêt légal, respectueux de tous les maillons de la chaîne du livre. Ce sont les bibliothèques qui déterminent le nombre de livres prêtés (dans la limite établie par les maisons d’édition). En 2020, plus de 5 000 bibliothèques en bénéficiaient, avec plus de 240 000 titres. - Une lecture très différente
Avec le livre papier, vous n’aviez pas de liens sur lesquels cliquer !
L’habitude aux écrans, sans cesse renforcée ces dernières années, conduit à une lecture saccadée, des allers et retours incessants d’un objet d’attention à l’autre. Et oui, il n’est pas rare que ces supports numériques nous encouragent à faire plusieurs tâches en même temps, à balayer rapidement plutôt que de lire des pavés de texte. - Des professions qui se réinventent
Les éditeur·trices sont contraint·es de maîtriser du code ainsi que des outils techniques nécessaires à la réalisation d’un livre numérique, ce qui signifie aussi assurer le SAV… De plus, des secteurs propres au numériques se créent, tels que la e-diffusion et la e-distribution. - Navigation en eaux troubles juridiques
Les géants Google et Amazon n’ont pas attendu le déluge pour tenter de faire la loi, c’est ce qui amène la loi de 2011 sur le prix unique du livre numérique. Pourtant, malgré plusieurs avancées significatives, les dilemmes autour du droit des œuvres numériques restent fréquents.
Que dire des 200 e-books signés par ChatGPT disponibles sur la platefome d’Amazon ? - L’interopérabilité
Lorsqu’on ne voit pas les coulisses, on peut imaginer que le numérique est un formidable outil où tout est interchangeable. En réalité, la création d’un livre numérique est conditionnée par le ou les futurs supports de lecture : téléphone, ordinateur, tablette, liseuse… chaque support apporte son lot de contraintes !
Parvenir à rendre les œuvres accessibles sur des supports différents est un vrai défi. C’est ce qu’on appelle l’interopérabilité.
Grâce à cet article, j’espère que vous avez une meilleure opinion du livre numérique, de sa valeur et de la chaîne de métiers qu’il y a derrière ! Et que vous penserez à moi la prochaine fois que vous chercherez un livre sur votre liseuse !
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