Découvrez la première partie de cette histoire dans cet article :
– Mon cher Brige, je suis navré, malgré mon beau discours, sur votre plat un déchet s’est déposé. Je vous promets de grassement vous dédommager.
Brige se retourne pour voir son garde du corps. Celui-ci, immobile derrière lui, était impeccable, sans la moindre trace de sang ou de lutte. Seule sa tête manquait à son sommet.
Brige se leva brutalement de son siège, enragé.
– VOUS LUI AVEZ COUPÉ LA TÊTE, ESPÈCE DE MALADE ! JE VAIS VOUS SAIGNER COMME UN…
Sans que Brige ait eu le temps de finir sa phrase, le majordome lui sectionna la tête, puis il repoussa les deux corps décapités hors de vision des autres invités et déposa la tête de Brige à côté de celle de Michael.
– Dire que c’est le plus irréprochable d’entre vous qui était le plus grossier. Je ne supporte aucune forme d’impolitesse à mon égard, alors veuillez respecter les règles du dîner.
Les invités, mortifiés, se retournaient le plus silencieusement possible pour chercher leurs escortes, s’attendant au pire. Mais à défaut d’un cadavre décapité, leur arrière était dégagé, seul leur majordome attitré se trouvait à côté d’eux.
Les invités scrutaient leur plat, cherchant le moindre indice sur ce qu’ils allaient manger ou même qui pouvaient-ils être en train de manger.
Le premier à se lancer avec assurance fut Gautier, l’homme s’étant moqué de Brige, qui après quelques bouchées s’annonça :
– Cette entrée est divine, très cher hôte, vos cuisines sont compétentes mais il y a un je-ne-sais-quoi qui m’interpelle… quelle épice spéciale avez-vous utilisé ?
– Vous êtes trop aimable, mon cher, ces épices sont tendances dans le Sud, elles ne sont pas encore arrivées jusqu’ici, officiellement. Mais je suis prêt à gâter mes invités.
L’air dans la pièce changea radicalement. Le meurtre qui avait eu lieu plus tôt et les deux têtes coupées n’intéressaient plus personne, des informations et négociations non verbales commençaient à être échangées et personne ne souhaitait rater cette occasion.
Les convives se mirent à manger sous le regard inexpressif d’Auguste Ours.
Tilonier s’annonça :
– Très cher Auguste Ours, merci pour ce repas, depuis le temps que nous travaillons ensemble je serais heureux de vous inviter en retour.
L’audience était stupéfiée par tant d’audace, mais aussi jalouse de ne pas avoir agi en premier.
– Ce serait avec plaisir mon cher Tilonier, vous qui gérez une partie du port de la ville devez avoir de nombreuses histoires à me raconter ou des objets à me montrer. N’avez-vous pas justement une anecdote à nous partager ?
– Tout à fait ! justement, la semaine dernière, je…
– J’en avais une plus ancienne en-tête, mon cher.
– Pardon ?
Agité du fait d’avoir eu la parole coupée par son hôte, qui visiblement ne respectait même pas ses propres règles, Tilonier fit semblant d’être naturel.
– Heu… et bien, à laquelle pensez-vous ?
– Je pensais à votre discussion avec le premier marchand Radok, il y a exactement 2 mois, 13 jours et 21 heures.
Tilonier se figea, le sang glacé et le teint blafard.
– Il n’est pas aisé pour une si basse personne de pouvoir discuter directement avec Radok. Je suis gêné, mais c’est un peu ce qui m’a décidé à vous inviter. Pouvez-vous partager cette superbe anecdote avec nous ? Tout le monde ici présent a hâte de savoir que vous travaillez avec le prince marchand pour surveiller les gangs de la ville.
Tilonier, en sueur, fut immobilisé par son majordome, la tête fermement tenue vers Auguste Ours.
– Qu’y a-t-il, Tilonier, n’êtes-vous pas justement ici pour dénicher des informations sans même me payer, je vous ai connu plus généreux ces dernières années ?
Le majordome posa une coupe devant son otage tout en maintenant sa prise.
– Je suis déçu que vous gardiez votre histoire, mais je ne vous forcerai pas à raconter vos petits secrets ; en échange, goûtez donc à cette liqueur, c’est mon dernier cadeau pour vous remercier de cette longue collaboration.
Tilonier prit la coupe, tremblotant, sous le regard de ses comparses, qui se demandaient eux aussi dans quoi ils s’étaient engagés.
– De grâce, mon ami, cette coupe est la plus douce fin que je vous propose, ne gâchez pas vos chances. Majordome !
Le majordome prit délicatement la main de Tilonier et guida lentement la coupe vers la bouche de celui-ci, qui la but d’un trait. La salle resta quelques minutes dans le silence, observant le visage du second, avant que celui-ci ne tombe brutalement inerte sur la table.
– Maintenant que l’entrée est finie, nous allons pouvoir passer au plat de résistance.
Autour de la table restaient :
- Gautier, marchand de nourriture pour la haute ville ;
- Delamoud, représentant de la guilde des Architectes ;
- Zarok, chef d’un des groupes de malfrats ;
- Okk, sous-directeur de la gestion des meubles.
Alors qu’on fit apporter la suite, Gautier s’annonça :
– Mon très cher hôte, je vous remercie pour cette invitation, mais je crains qu’il y ait mépris sur la nature de ce dîner. Je pensais célébrer le bon déroulement de notre collaboration mais il semblerait que tout cela soit un règlement de compte. Si j’ai fait quoi que ce soit qui vous ait porté préjudice je vous prie de m’en excuser et suis prêt à vous dédommager.
Les autres invités acquiescèrent silencieusement à son discours.
Zarok s’annonce :
– Mon groupe a toujours respecté nos engagements, mais si un de mes gars a fait quoi que ce soit, je vous livrerai sa tête moi-même !
– Voyons, vous êtes tous si sérieux pour un simple dîner. Je vous remercie de vous inquiéter de mes humeurs, mais n’ayez crainte, tous vos petits secrets ont déjà été nettoyés par mes soins. Vous êtes malheureusement la dernière tache à nettoyer, Zarok.
Le chef de gang fut subitement maîtrisé par des inconnus, avant de voir les tendons de ses bras et de ses jambes sectionnés.
– NON ! arrêtez ! Je savais pas que ce gamin était avec vous ! On voulait même pas le crever !
– Je suis navré mais le paiement pour cette affaire a déjà été encaissé et je leur ai promis de ne pas interférer. Si vous souhaitez vous excuser, vos futurs bourreaux ici présents sont mes commanditaires. Soyez persuasif !
Bâillonné, Zarok fut sorti de la salle gémissante. Au même moment, Gautier se leva et sortit de sa canne une lame.
– Vous n’êtes qu’un lâche ! Toute cette mise en scène pour nous exécuter, et vous autres, vous allez rester là à vous faire trancher la gorge sans rien faire ?
– Assez, avec vos faux semblants ! Il faudra me forcer. Venez donc vous-même si vous avez le cran !
– Monsieur Gautier, asseyez-vous et j’oublierai ce manquement aux règles du dîner, répondit Auguste Ours.
Alors que les majordomes s’avançaient vers Gautier, Auguste Ours s’interposa :
– Mon invité insiste, je vais donc faire mon devoir d’hôte.
Gautier se mit en garde face au colosse qui avançait nonchalamment vers lui. Bien que marchand et âgé, Gautier était une fine lame, et alors qu’Auguste Ours était à portée, il planta son épée dans son crâne, le transperçant de part en part. Jubilant à la suite de son action, il déchanta très vite lorsque son adversaire continua d’avancer, sans réaction. Gautier continua de faire pleuvoir les coups sans effet, avant de se retrouver dos au mur. Auguste Ours lui saisit le crâne, avant de le soulever dans les airs.
– J’aurais aimé finir tout cela de façon plus élégante, mais vous m’avez forcé la main.
Auguste Ours écrasa violemment le crâne contre le mur à plusieurs reprises, faisant éclater celui-ci en morceaux, avant de replacer le corps inerte sur sa chaise.

Le dîner continua dans le calme, les invités restants ne disaient plus rien, finissant leur plat en essayant de se faire oublier. Puis le dessert arriva.
– Malgré quelques situations imprévues, ce dîner ne s’est pas trop mal passé ! Delamoud, merci de votre participation, je considère notre accord comme complet. J’aurais aimé continuer à collaborer avec vous, mais selon notre contrat vous devez nous quitter.
– Vous servir toutes ces années fut un honneur. Merci d’avoir donné à cette carcasse un objectif et quelques années en plus. Sur ce, je vous quitte.
Delamoud prit le couteau situé sous sa chaise, ficha la lame dans sa poitrine et tira sa révérence sans râle ni complainte.
– Mon cher Okk, vous prendrez bien un digestif pour finir ce dîner avec moi ?
– Certainement ! Il me semble que nous avons encore des choses à nous dire.
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