Oui, oui, le mot « Trope narratif » existe bel et bien en français. Je n’en étais pas sûr mais je suis allé vérifier. Et c’est tant mieux parce qu’il n’existe pas forcément beaucoup d’équivalents aussi simples et évocateurs pour discuter de la chose. On pourrait éventuellement parler de convention narrative, d’archétype ou encore de canevas mais aucun de ces mots ne rend pleinement le sens de ce que le terme en est venu à désigner de nos jours.
Il y a fort à parier que vous ayez déjà entendu le terme et que vous sachiez parfaitement ce dont il s’agit, mais c’est un sujet vaste qui mérite le détour, quitte à ce qu’on ne fasse que l’effleurer.
Nous vivons désormais à une époque où les audiences, les lecteurs, les téléspectateurs sont de plus en plus conscients des coulisses et des processus de création d’une œuvre. Depuis et grâce (ou « la faute » diront peut-être certains, pour qui découvrir l’envers du décor pourra éventuellement ruiner la magie) à internet, les artistes sont au plus proches de leur audience. Tout film, toute série s’accompagne de ses making-offs, les auteurs peuvent s’ils le veulent interagir directement avec leur public, répondre à leurs questions et dévoiler leurs recettes. Les interviews d’artistes et les vidéos d’analyses d’œuvres sont légion sur la toile et la culture du binge-watching (voire même du speed-watching pour certains, mais c’est un autre sujet) ne fait qu’accélérer la quantité de matière à analyser, à décortiquer, …
En résulte un public très averti et souvent très exigeant. Les éléments de comparaison sont là et il est de plus en plus évident pour un spectateur ou un lecteur « lambda » de reconnaître, identifier et critiquer des schémas, des facilités scénaristiques ou des lieux communs dans une histoire. Ou, autrement dit, des tropes.
Oui, tout ça pour dire que pour peu que vous consommiez des histoires, vous savez ce que c’est un trope narratif, que le terme vous évoque quoique ce soit ou pas.
En faire une liste complète serait tout à fait vain et un tel sujet mériterait peut-être même une série complète d’articles (qui sait…), d’autant plus lorsqu’on considère que chaque genre narratif (de la fantasy à la romance en passant par l’infinie myriade de styles et de façons de raconter une histoire) dispose de ses propres codes et de ses propres clichés, mais on peut déjà commencer par présenter certains des exemples les plus évocateurs, certains tropes narratifs parmi les plus récurrents et les plus communs à tous les genres.
Le mentor
Mais si vous le connaissez ! Ce vieillard solitaire et ronchon, avant tout là pour lancer le protagoniste sur sa quête avant de disparaître vers la fin du premier acte. À noter néanmoins que le mentor peut prendre plusieurs formes, allant du bon vivant un peu excentrique à la figure menaçante et manipulant le personnage principal pour ses propres intérêts. Il y a donc de la marge pour laisser libre cours à son imagination.
Le Triangle Amoureux
Alors celui-là, c’est un classique. Une manière simple et efficace de créer du drama. Je vous épargne les exemples, je suis sûr que des dizaines de cas vous sautent à l’esprit… Mais après tout, aussi simple qu’il paraisse, il y a toujours moyen de raconter les choses à sa manière. Encore une fois, tout est dans l’approche.
L’antihéros
Encore une fois, un grand classique. Lassé des figures lisses et des chevaliers blancs tout sourire, le public a été de plus en plus friand des personnages atypiques, à contre-courant. Que ce soit le bad boy égoïste et charismatique en quête de rédemption ou la figure tiraillée par les dilemmes moraux pour qui la fin justifie les moyens, la figure de l’antihéros est devenue un classique du storytelling moderne.
L’élu
On pourrait se dire que la figure de l’élu, du « chosen one », destiné à sauver le monde, la galaxie voire l’univers tout entier aurait tendance à s’estomper. Et pourtant… la littérature jeunesse et young adult en regorge, et pour cause, quoi de plus épique que de s’identifier à ces personnages (souvent jeunes) plongés dans un monde qui les dépasse et dont ils sont au centre. Et une fois de plus, il s’agit d’un schéma narratif laissant libre cours à l’interprétation, au détournement des codes et à la surprise… et en parlant de ça…
Plot-twists et autres cliffhangers
Attention, il ne s’agit pas de la même chose ici…
Un plot-twist est une information que l’on va donner au spectateur et qui va totalement renverser sa compréhension du récit (Fight Club, l’Armée des 12 Singes, le Sixième Sens… toi-même tu sais.).
Un cliffhanger, quant à lui, est l’art de laisser le spectateur ou le lecteur en haleine, suspendu à la falaise (comme le nom anglophone le suggère). Arrivant inévitablement en fin de chapitre ou d’épisode, on s’est tous retrouvés à tourner immédiatement la page ou à cliquer sur next face à nos personnages préférés laissés en pleine tourmente ou face à une révélation venant faire trembler leur monde.
Après tout, rien de tel pour accrocher le public. Encore une fois, simple et efficace.
On pourrait encore continuer pendant longtemps et parler des parangons, des Mary et Gary Sue, des vilains qui veulent détruire le monde, des lointains empires maléfiques, des demoiselles en détresse, des orphelins a l’héritage secret, des Némésis, de l’heure la plus sombre, des morts de personnages…
Oui, la liste est longue et, une fois de plus, chaque genre possède ses propres genres et ses propres codes. Souvent, le réel plaisir pour un auteur réside dans la manière de les détourner ou de les contourner. D’autant plus à une époque où les audiences sont suffisamment averties pour jouer avec leurs attentes (attention à ne pas sombrer dans le choc gratuit et sans substance non plus, hein Game of…), les déjouer et tenter de proposer des lectures inhabituelles.
Alors autant s’amuser à les repérer, les critiquer, saluer les plus originales, les plus inventives, notamment dans nos créations du Projet CarTylion, et, qui sait, pourquoi pas tenter de rédiger vos propres histoires et de proposer votre propre version de ces codes !
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1 reply on “Les tropes narratifs”
à quand la suite ? 🙂