En bon successeur de la religion de la Croix du Roi, le yadisme reprend les grands principes de cette vieille religion : justice, savoir, foi, roi et destinée. L’amour de l’État que la Croix du Roi inculque à la population se retrouve donc, sans surprise, dans le yadisme. Pour autant, le yadisme va bien plus loin, en tentant d’organiser jusqu’à la journée et la vie intime des fidèles. Le yadisme coordonne donc le quotidien des peuples, tout en étant lié au pouvoir par ses emprunts anciens au crusisme.
La notion du salut de l’Âme trouve dans le yadisme un immense écho qui participe à garantir l’ordre dans la société. Ainsi, si l’individu a eu une bonne vie, son « éclat », c’est-à-dire son Âme, sera éternelle. Au contraire, en cas de « mauvaise vie », l’Ombre de la mort récupérera l’Âme du défunt. En suivant la religion dans l’histoire, on remarque bien que cette évolution liée au salut de l’Âme ne figure nullement dans les premiers préceptes du yadisme, mais est le fruit d’une volonté de contrôle de la population par les autorités religieuses.
De même, la volonté de pureté promue par le yadisme implique une forte présence du blanc, couleur du vrai, et de l’or. Afin de garantir un enseignement complet et omniprésent au sein de la société, le yadisme s’appuie sur de nombreux saints, dont les écrits sont utilisés comme sources d’inspiration et érigés en exemple. Les textes sacrés ne sont pas vus comme « révélés », la notion d’exemple humain étant prépondérante.
Le yadisme trouve sa source dans de multiples inspirations. L’idée d’une religion structurant la vie quotidienne et la vie en société vient de l’islam sunnite, qui s’est très tôt défini selon un corpus juridique (tiré de la jurisprudence issue des « Hadîths » au VIIIème-IXème siècle), et selon une structuration de la journée autour de la prière, qui existait déjà au temps de Muhammad (VIIème siècle). Cette volonté de forger une communauté soudée (« oumma ») religieuse fait sens avec la notion d’esprit de corps (« asabiyya ») qui caractérise les Arabes rassemblés sous la bannière du prophète et du Califat qui lui succède.
Nous entrons ici dans la philosophie islamique médiévale, et, en particulier, chez le penseur Ibn Khaldûn (1332-1406), qui théorisait déjà que l’instauration d’un État capable de contrôler sa population est tributaire d’une alchimie entre l’esprit de corps et le message religieux (« Dawa ») véhiculé. Il en résulte l’installation d’une dynastie, renforcée par l’ethnie conquérante, elle-même renforcée par le message religieux.
Néanmoins le sunnisme, s’il est lié à l’État jusqu’à la chute de Bagdad des mains des Mongols en 1258, ne permet pas le culte des Saints, considérant qu’il s’agit d’idolâtrie détournant les musulmans de la révélation prophétique. Cependant, le culte des Saints existe tout particulièrement dans l’Islam shiite, avec de nombreux pèlerinages organisés sur les tombeaux de mystiques. Dans l’Égypte du califat des Fatimides shiites (969-1171), le pays était tapissé de tombeaux de mystiques dans lequel la population allait en pèlerinage.
De même, l’exemple du saint comme exemple humain se retrouve bien sûr dans le christianisme, occidental comme oriental. À ce titre, la « légende dorée » de Jacques de Voragine, rédigé entre 1261 et 1266. Au travers de la vie de saints, le livre narre le combat divin contre les forces du mal, et donne aux hommes la direction à avoir vers une vie de sainteté par l’exemple des saints.
Pour aller plus loin :
- Ibn Khaldûn, Discours sur l’Histoire universelle, Al Muqaddima, trad. Vincent Monteil, Arles, Sindbad, « Thesaurus », 1997.
- Martinez-Gros Gabriel, Ibn Khaldun et les sept vies de l’Islam, Paris, Sindbad, « actes sud »2006.
- Sourdel Dominique, l’État impérial des califes abbassides, VIIIe-Xe siècle, Paris, presses universitaires, « islamique »,1999
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