Dune en 3D, ça vaut le coup ?

Synopsis du film

Avant toute chose intéressons nous à l’histoire proposée dans ce film, ses fondations et ce qu’elle nous raconte.
Il va être question ici de la situation initiale, donc pas de gros spoiler mais si vous avez particulièrement horreur d’entendre parler du film avant de l’avoir vu je ne peux que vous conseiller d’éviter cette partie. 😉

Le film présente principalement la Maison Atréides et ses hommes, et plus particulièrement le Duc Leto, sa concubine Bene Gesserit, Dame Jessica, et son jeune fils et héritier Paul, ainsi que leur médecin de famille, certains lieutenants et les mentors de Paul. On prend le temps de les connaître un peu et par leur prisme, on en apprend un peu plus sur l’univers dans lequel ils évoluent.

L’avenir de cette famille va prendre un tournant quand l’Empereur décide de leur confier la gestion de la planète Arrakis jusqu’alors gérée par la Maison Harkonnen. C’est une planète clef car on y réalise l’extraction de l’Épice, la précieuse ressource rendant notamment possible la navigation interstellaire, base de toute l’économie impériale. Tout porte à croire que cette nomination est un piège visant à éliminer la famille Atréides, devenue très influente au sein de l’assemblée des Grandes Maisons de l’Imperium, mais Leto, pieds et poings liés par cette mascarade politique, n’a d’autre choix que d’accepter. Pour lui, l’espoir de sa famille réside dans les Fremen, ce peuple autochtone d’Arrakis qui vit tapis au cœur du désert en espérant pouvoir un jour se libérer de l’oppression de l’Impérium.

Au fur et à mesure du film, tel l’entonnoir de sable plongeant inexorablement vers la gueule du Shai-Hulud, cette multitude de protagonistes se concentre autour d’un personnage et le fait ressortir, Paul Atréides un jeune homme brillant qui semble voué à un destin hors du commun qui le dépasse totalement. Serait-il le messie tant attendu par les Fremen ?

Une belle adaptation

En premier lieu, on peut dire que le film est une belle adaptation. L’histoire est fidèle au roman, les décors sont magnifiques, les costumes sont réussis, les acteurs sont bien choisis. Et la version française est très bien faite !

Denis Villeneuve relève ici un défi difficile et on ne peut que féliciter toute l’équipe du film pour ce résultat très satisfaisant.

Un visuel empreint de spiritualité et de gigantisme oscillant entre de magnifiques visions d’ensemble et d’intenses gros plans aux détails soignés.
Dès l’affiche le film m’a fait un peu penser à Rogue One de la licence Star Wars que j’ai bien aimé, impression que j’ai également ressentie pendant le visionnage.

J’ai adoré les ambiances, les environnements, les costumes, … l’immersion est totale, on plonge vraiment dans cet ailleurs futuriste et chaque groupe y est clairement caractérisé.
Et bien sûr, pour sublimer le tout, le son et la musique jouent entre l’intra et l’extradiégétique de manière subtile et maîtrisée.

Les effets spéciaux sont au goût du jour, ils sont extrêmement bien réalisés, notamment l’effet du bouclier intégral qui a bien évolué depuis le premier film de 1984.

Bien que « Dune » ne semble pas offrir une bande originale formant une œuvre marquante allant au-delà du film, la musique accompagne et transcende bien les images et la narration. Je n’ai cependant pas bien eu le loisir de l’apprécier lors du visionnage au Pathé de La Villette tant le son était fort et nous a vrillé les tympans pendant 3h, je ne sais pas si c’est un problème général ou non, mais ça a été une vraie déception pour moi d’avoir un tel film gâché par la pénibilité d’un volume sonore beaucoup trop fort.

C’est un film assez contemplatif, qui prend son temps, le temps de mettre en place la narration, les personnages, l’ambiance, la mythologie, … Ce n’est pas une mauvaise chose, surtout avec une telle qualité du matériau de base et le travail d’adaptation soigné qui nous en présente bien la richesse, mais cela peut déstabiliser un public trop habitué aux blockbusters nerveux qu’on sert à foison de nos jours.

L’univers de Dune

Personnellement, j’apprécie l’univers riche de Dune.

Je suis en général plus porté sur les œuvre à l’ambiance antiquité-médiéval-renaissance et fantasy que moderne ou science-fiction mais Dune a un style un peu intermédiaire qui me plait beaucoup. Certains choix de worldbuilding permettent à cet univers d’avoir des éléments qu’on retrouve dans le médiéval fantastique et qui me plaisent tout particulièrement tels que :

• Les combats à l’épée :
  Je suis un très grand amateur de ce genre de combat et c’est souvent quelque chose que je regarde avec intérêt et critique dans un film, ayant notamment pratiqué le sabre et l’épée et appréciant aussi ce genre de combat en GN. Bien que se passant dans le futur, l’univers de Dune met en avant le combat à l’arme blanche du fait de l’invention d’un bouclier cinétique bloquant les attaques en fonction de leur vitesse. Ainsi les fusils et autres projectiles deviennent complètement obsolètes et la technique la plus efficace devient le bon vieux coup de poignard. Une particularité de l’univers ingénieuse qui est bien présentée et utilisée dans le film.
• La force de l’esprit :
  C’est un concept très présent dans la fantasy et qu’on retrouve également dans l’univers de Dune. Les êtres humains étant parvenu à développer grandement leur capacité cognitive au point que les mentats surpassent même la plupart des ordinateurs, on a un univers futuriste où l’informatique a finalement peu de place au profit d’une forme poussée de psychisme et de spiritualité. Pas mal d’inspirations de style un peu chamanique avec des concepts de transes et de drogues ouvrant les perceptions, des ordres mettant le contrôle de sa psyché au centre de tout, des pouvoirs télépathiques ou d’influence des autres individus et des sortes d’analystes capables d’utiliser leur cerveau comme de véritable super calculateurs, au final de nombreux aspects ont une patte très fantasy bien que ce soit introduit dans l’univers comme une évolution futuriste.

Le film choisit un certain nombre de points sur lesquels il s’attarde en exposition et décide d’en occulter d’autres, cela me semble indispensable quand on adapte une œuvre avec un tel worldbuilding et les choix qui sont faits me semblent plutôt pertinents dans l’ensemble. Je pense qu’il évite assez bien la surcharge d’informations pour les néophytes de cet univers sans pour autant laisser trop perplexe face à l’inconnu et aux éléments non expliqués, ce qui est toujours un équilibre difficile à trouver.

Un petit changement par rapport à l’histoire du livre confèrera à un moment un effet de bouclier en scénarium au Baron de la Maison Harkonnen ce qui fit un peu sortir Fleur du film. J’ai trouvé ça dommage, car ce souci n’est pas présent dans le roman.

L’intérêt de la 3D

Nous avons vu le film en 3D, pas spécialement par choix, habituellement je ne vais jamais voir les films en 3D, mais c’était la seule séance en VF possible au cinéma Pathé de la Villette (presque aucune séance en version française c’est vraiment n’importe quoi !). Nous nous sommes donc dit que ce serait l’occasion de voir ce que ça donne et globalement la 3D rendait pas mal.

Le film a clairement été pensé par le réalisateur pour être vu en 3D et on le sent effectivement dans un certain nombre de scènes pour lesquelles le premier plan est bien mis en avant ou dans certaines actions faites exprès pour ressortir en 3D.

C’est donc réussi sur ce point, mais on peut quand même se poser la question de la pertinence de concevoir des films en 3D aujourd’hui :

Pour moi la 3D est très gadget et reste plus à sa place et mieux exploitée dans une « vidéo d’attraction » que dans un « véritable film ». Franchement je trouve que ça n’apporte pas vraiment grand-chose à l’expérience du film et cela nécessite d’être dans une salle de cinéma (donc ça n’offre pas la même expérience par la suite quand on le regarde chez soi), car il faut pas se mentir, on n’a pas tous un écran géant 3D chez soi ! Et puis on paye plus cher les places pour avoir des lunettes 3D, et il faut avouer que lorsqu’on n’est pas pile en face de l’écran certains effets sont un peu décalés, sans compter que les lunettes diminuent le champ de vision et que ça demande plus de travail d’interprétation au cerveau (donc c’est un peu plus fatigant pour les yeux), …
Bref un peu déçu que la technique n’ait pas vraiment évolué depuis la sortie d’Avatar il y a 12 ans !

Évidemment cela reste un point de vue personnel, n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de la 3D,
je suis curieux de savoir quelles sont vos expériences avec cette technologie.

Deux points négatifs

J’ai vraiment beaucoup apprécié ce film qui tend à se faire une place au panthéon au côté du Seigneur des Anneaux, un autre véritable défi de l’impossible en termes d’adaptation. Cependant deux points m’ont dérangé tout au long du film à cause d’une opposition entre ce qui est exprimé dans le film et ce qui nous y est montré :

• le premier concerne le traitement de la chaleur et de la dangerosité de l’environnement de la planète Arrakis ;
• le deuxième concerne la direction d’acteur et ses choix dans l’interprétation du personnage de Dame Jessica.

La cohérence sacrifiée ?

Quelque chose qui m’a beaucoup gêné, c’est le fait que lors des scènes dans le désert, on voyait en permanence la tête découverte des personnages alors qu’ils étaient censés être accablés par la chaleur sèche ambiante ! C’est une volonté cinématographique afin de voir la tête des acteurs, de mieux saisir leurs émotions et leur jeu tout simplement, mais j’aurais préféré que le réalisateur ne sacrifie pas la cohérence pour cela.

En effet, dans l’univers de Dune, et c’est rappelé plusieurs fois dans le film, le désert est un endroit qui n’est absolument pas habitable pour les hommes : ils ne doivent pas être dehors en plein soleil sauf si ils sont dans une combinaison intégrale qui recycle absolument chaque goutte d’eau de leur corps, sous peine d’une mort rapide. Or, ils débarquent sur la planète en pleine journée sans être équipés, jamais de sueur et de personne accablée par le soleil et la chaleur. Sans compter qu’à plusieurs moments dans le film, on voit les personnages qui se baladent en extérieur en journée sans masque, tranquillement, voire parfois sans tenues adaptées. On a donc un décalage fort entre ce qu’on nous expose par les dialogues et ce qu’on nous montre à l’écran.

J’ai trouvé ça dommage que la narration insiste sur le caractère invivable du désert qui est un élément important de l’univers mais qu’il soit bafoué ensuite pour des questions cosmétiques.

Faiblesse de jeu

La mère du héros, Dame Jessica, est une Bene Gesserit, un ordre religieux féminin et matriarcal qui a des pouvoirs très importants, développés grâce à l’absolu contrôle de soi dont ces femmes font preuve. Elles ont transcendé leur corps et leurs émotions et peuvent donc avoir un pouvoir, La Voix, qui permet de faire obéir les personnes autour. Leur ordre est aussi très impliqué dans la politique de l’univers et notamment avec une grande influence sur l’Empereur.

Le problème est que Dame Jessica exprime beaucoup trop ses émotions pour une Bene Gesserit : elle passe le film à s’inquiéter pour son fils et pour le duc, on lit ses émotions sur son visage et elle va même avoir beaucoup de moments avec un jeu émotionnel très fort. Une belle performance d’actrice qui fait d’elle le personnage apportant le plus d’humanité au film, ce qui est complétement paradoxal avec l’essence du personnage. C’est un vrai problème de cohérence car au final cette Bene Gesserit accomplie essaie d’apprendre à son fils les valeurs de son ordre et le contrôle de soi pendant tout le film alors qu’elle semble plus émotive et moins bien se contrôler que lui pendant tout ce temps. Un souci dans le choix du jeu de ce personnage qui casse un peu son aura ainsi que la logique de sa place et de ses pouvoirs.

J’aurais privilégié plus de parcimonie et une expression plus subtile des émotions du personnage, en faire moins pouvant aussi servir à donner plus de force aux rares moments d’expressions.

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