La Chasse aux Sorcières n’est le fait ni du Moyen-Âge, ni de l’Église, ni des hommes.
On estime à plusieurs dizaines de milliers les femmes victimes de l’horreur que fut la chasse aux sorcières. Le chiffre est habituellement fixé à 60 000.
Dans l’imaginaire collectif, trois accusés pourtant bien peu coupables font face aux plus violentes récriminations : le Moyen-Âge, l’Église et les hommes. Ils ne sont certes pas innocents, mais leur rôle dans la chasse aux sorcières n’est pas aussi prépondérant qu’on le pense. Pire, ces accusations maladroites masquent la culpabilité écrasante d’autres acteurs, qui, bien contents de cette erreur fréquente, échappent scandaleusement à la justice de l’Histoire.
Nous analyserons donc le rôle de ces trois accusés dans le but, sinon de les innocenter, au mois de leur obtenir un aménagement de peine.
Le Moyen-Âge
Il est vrai que les premiers cas de procès en sorcellerie apparaissent en Europe vers les années 1400, ce qui est plutôt considéré comme la fin du Moyen-Âge pour la majeure partie de l’Europe. Notre accusé ne sortira donc peut-être pas libre du tribunal, mais il est nécessaire de condamner bien plus fermement encore son complice : la Renaissance.
C’est en effet au XVIe siècle que la chasse aux sorcières devient réellement un phénomène massif. Les cas explosent partout en Europe, les procès se multiplient, des villages entiers sont saisis de fureur meurtrière et massacrent sans sommation des femmes innocentes. La Renaissance fut infiniment plus impitoyable et fut responsable de la grande majorité des victimes. Cela se poursuivit d’ailleurs jusqu’au XVIIe siècle.
L’Église
Passons à notre deuxième accusé. Comme pour le Moyen-Âge, il faut d’abord reconnaître que l’Église est loin d’être innocente. Elle a produit des textes condamnant violemment la sorcellerie, comme la bulle Vox In Rama du Pape Grégoire IX – produite d’ailleurs au Moyen-Âge – dont beaucoup ont pu s’inspirer lors de la chasse aux sorcières. Elle a également soutenu les inquisiteurs dans leur traque.
Mais les procès en sorcellerie qui aboutissaient sur la condamnation à mort de l’accusée étaient instruits par des juges laïcs. Ils ne répondaient ni au Pape ni aux curés, leurs sentences n’étaient guidées que par leurs propres superstitions. Ces dernières pouvaient se référer à des bulles papales comme celle de Grégoire IX, mais également s’éloigner du dogme chrétien et faire appel à de vieilles croyances mêlant paganisme et christianisme, ce qui arrivait plus souvent qu’on ne le pense.
De nombreuses femmes étaient mises à mort sans même subir de procès : des villages cédaient soudainement à la panique, soupçonnant la présence d’une sorcière parmi eux et craignant que le malheur ne s’abatte sur leur communauté, et des foules meurtrières se formaient pour exécuter les malheureuses. Là encore, ces phénomènes se produisaient indépendamment de l’Église.
L’autorité pontificale romaine a même parfois tenté d’enrayer le phénomène lorsqu’il prenait trop d’ampleur. Le célèbre inquisiteur dominicain Heinrich Kramer, particulièrement impliqué dans la chasse aux sorcières, fut d’abord soutenu par le Pape. Mais lorsqu’il coécrit son terrible ouvrage de lutte contre la sorcellerie qui se répandit dans toute l’Europe, le funeste Malleus Maleficarum, le clergé catholique le condamna.
Il est également attesté que les papes Clément VII puis Clément VIII sont intervenus en faveurs de personnes accusées de sorcellerie, femmes comme hommes.
Les hommes
Abordons enfin une erreur bien plus récente, qui s’est introduite depuis peu dans les esprits à la faveur d’un courant nouveau qui interprète chaque injustice comme une opposition manichéenne entre hommes et femmes.
En effet, si les hommes se sont impliqués de manière écrasante dans la chasse aux sorcières, en occupant les positions déterminantes comme celles de juge et d’inquisiteur, le phénomène n’est en aucune façon une lutte hommes-femmes.
Comme nous l’avons vu, des villages entiers se dressaient contre les supposées sorcières. Or le lecteur devinera aisément qu’un village n’est pas composé uniquement d’hommes. Les femmes participaient activement aux lynchages, et n’étaient pas moins sujettes que les hommes aux superstitions obscurantistes qui les poussaient au crime. Lorsqu’il y avait un procès, elles exigeaient elles-mêmes du juge la plus grande sévérité contre les accusées.
Les victimes n’étaient donc pas choisies uniquement pour leur sexe, mais aussi et surtout car elles étaient marginalisées, avaient un mode de vie incompris ou des déformations physiques. Il a d’ailleurs été établi qu’environ 20% des victimes de la chasse aux sorcières furent des hommes. Ils étaient, comme les femmes, les boucs émissaires d’une population qui les méprisait pour leurs excentricités.
La chasse aux sorcières ne fut donc pas une opposition hommes-femmes, mais une opposition société-marginaux.
Les œuvres de fictions se plaisent à représenter des foules d’hommes enragés, hurlant et bavant, mettre à mort une femme. Ces représentations sont historiquement mensongères. Le souci d’exactitude aurait exigé que ces foules soient composées autant d’hommes que de femmes, toutes aussi enragées que leurs camarades masculins.
En ne désignant que les hommes, on masque volontairement la responsabilité de la société entière pour ne pas voir sa terrible capacité à se transformer, sous l’effet de la peur et de la superstition, en gigantesque assassin.
Le juge n’a plus qu’à rendre son verdict. Espérons que la Renaissance, les instances laïques et la société superstitieuse n’ échapperont cette fois pas à la juste condamnation qu’ils méritent.
Pour aller plus loin dans la réflexion sur la chasse aux sorcières, n’hésitez pas à regarder les vidéos que je vous mets ci-contre, et à me faire part de vos commentaires sur cette partie de l’Histoire en-dessous de cet article !
Et nous vous raconterons une prochaine fois l’histoire de la chasse aux sorcières menée par l’Inquisition en 3ème Aube !
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3 replies on “Procès de la chasse aux sorcières”
J’aime beaucoup l’histoire, je trouve ça vraiment intéressent ! ^^
Super intéressant, j’ai bien aimé l’histoire. J’espère que le fameux juge fera le bon choix !
Le Juge est encore indécis. Nous devons l’aider dans sa décision en combattant les idées reçues!